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IRÈNE ET LES EUNUQUES

dant tu ne devinais même pas que si je m’étais obstiné, depuis ton enfance, à fortifier ton âme, c’était pour un autre dessein que celui de t’inspirer un amour vulgaire.

— Je t’écouterai jusqu’au bout, même si tu risques des paroles imprudentes et punies par les lois. Songe aux lois pourtant.

— Ô Irène ! De quelles lois menaces-tu mon courage ? Et pourquoi ? Mon courage n’est pas de ceux qui s’évanouissent devant les menaces. Ta mémoire le connaît, mon courage !

Trop certainement cette fois il faisait allusion à la vaillance qu’il avait eue de se mutiler pour la garder vierge et digne d’un empereur, malgré toute la fatalité de leurs penchants. Elle demeurait impassible, dans son large trône de marbre froid. Sur ses épaules ruisselait le voile de pourpre qui enveloppait sa tête, et sa chevelure retenue par un bandeau d’émeraudes.

Brodée de serpents bleus qui s’enlaçaient à ses membres, sa robe violette, d’une étoffe persane, se cassait sur la saillie de la gorge, à la taille, et aux genoux des jambes croisées. Elle crut qu’il la désirait, qu’il regrettait. Pour la première fois, Bythométrès était-il devant elle avec un cœur d’homme… ? Il cessait de paraître le pur esprit, insinuant des vérités fécondes dans les âmes en tumulte des cubiculaires, des capitaines et des évêques, de leurs suites, de la foule. Crispé sur le cube de bois écarlate, il se gonflait de colère ou de luxure. Ses