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IRÈNE ET LES EUNUQUES

luxures monstrueuses. Tu n’écoutais plus rien, ravie de voir Léon se rouler en pleurant à tes pieds, parce qu’il ne pouvait plus obtenir de ses forces ce que l’hermaphrodite obtenait sous les caresses avant d’être contenté par la géorgienne et le nègre. Et si le géant ne s’était mis à rire soudain, je serais entré pour t’arracher enfin à tout ce stupre, rival triomphant de ton amante, mon intelligence ! Imagine, si tu le peux, ce que furent la douleur et la honte de mon esprit, de notre esprit, injurieusement oublié par tes instincts.

— Les tiens ne sont plus, il est vrai, en état d’oublier ta sublime intelligence.

Et elle rit, en feignant de se contenir. Les serpents brodés ondulèrent autour de son corps.

— Ce n’est pas, reprit Bythométrès, qu’en te livrant à tes instincts, en leur prostituant tes heures, onze années durant, pour complaire à ton soldat Léon et à toi-même, ce n’est pas que tu m’aies trahi. Je ne me suis senti trompé que le jour où j’ai commencé d’apercevoir le déclin de ta science, fille de ma science, que le jour où j’ai vu s’effacer lentement mon empreinte sur la cire changeante de ton caractère. Alors j’ai souffert comme les damnés que les feux intérieurs tordent et fondent dans le Centre. De saison en saison, j’entendis ta parole, en notre École du Palais, affaiblir le sens de nos idées. Elles n’étaient plus qu’un souvenir d’Athènes. Tu ne créais plus. Tu ne fortifiais même plus ta mémoire par la lecture ni par les doctes entretiens. Je t’ai vue déchoir ainsi. Je t’ai vue trahir