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IRÈNE ET LES EUNUQUES
Mais ne croyez pas que cela me soit arrivé afin que l’étendard du Christos règne à jamais sur le monde,

Pour la conversion des Infidèles…
Point… J’ai empêché par ma valeur les cavaliers sarrazins
De déranger la sorcière d’Athènes.
Quand, les mamelles pendantes et les mains actives,
Elle épuisait de caresses lascives notre Léon,
Quand, assise sur les fourrures des tigres persiques,
Elle emprisonnait dans ses bras les petites nonnes arméniennes
Afin que son pâle époux s’exténuât sur leurs corps vierges,
Quand elle rassemblait au Palais, sous prétexte de récompense,
Les écoliers et les écolières et les dénudait
Dix et Dix, puis les mariait
Afin que ce spectacle ranimât la vigueur de l’Isaurien.
Quand elle lâchait son bouc jaune sur l’éthiopienne
Pour réveiller l’ardeur de notre Léon, l’ardeur
Qui l’a mis au tombeau ! Pleurez et frappez vos cœurs,
Sublimes guerriers du Christos !
Le glaive et la balance sont aux mains de la sorcière alexandrine.
Car le petit Constantin tardera-t-il à dépérir comme son père !
Pleurez et frappez vos cœurs
Sublimes guerriers du Christos !

Voilà pourquoi nous avons sacrifié nos forces et nos membres, notre sang pur.

Voilà pourquoi je suis devenu le vétéran hideux
Qui réclame une obole de votre pitié

Si toutefois l’Athénienne et ses eunuques vous ont laissé une obole dans la bourse.

Irène regarda Bythométrès. Derrière ses mains, il avait caché ses yeux comme pour ne pas assister à la honte de sa disciple. Ainsi paraissait-il un amas de bures blanches et noires. Elle-même suffoquait. Certes ce que le pamphlétaire avait écrit n’offensait pas toute la vérité. Qu’on eût osé l’ouïr, y croire et le divulguer, cela vraiment outrait l’impératrice. Il était inju-