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CES DAMES AUX CHAPEAUX VERTS

Rosalie et Jeanne sont bien hésitantes. Il leur en coûte de prendre une décision aussi impitoyable. Inconsciemment elles se tournent vers Marie. Elle seule peut oser se lever et faire admettre une autre résolution

Marie, en baissant les yeux, commence à voix très basse :

— Ma bonne sœur Telcide, je m’excuse d’intervenir dans ce débat. La résolution que vous avez prise est certainement basée sur la justice. Notre cousine Arlette a eu tort de vous provoquer tout à l’heure. Elle a été tout à fait déraisonnable en s’enfuyant. Mais ce sont des coups de folie qu’elle a commis. Peut-être les regrette-t-elle déjà ? Plusieurs fois, en promenade, Arlette m’a confié quelques- unes de ses pensées. Elle m’a dit ses goûts. Je vous assure qu’elle est très capable de bons sentiments.

— J’en doute, proteste Telcide.

— Que deviendra-t-elle si nous l’abandonnons ? Je frémis lorsque je songe aux dangers qui la menacent ! Si elle se perd, n’en serons-nous pas, dans une certaine mesure, responsables ? Oui, oui, mes sœurs, je vous en supplie. À tout péché, miséricorde !… Si Arlette, repentante, revient frapper à notre porte, n’est-ce pas que nous lui ouvrirons ?… Nous l’accueillerons avec toute l’indulgence dont nous sommes capables. Nous la consolerons, nous la ferons à notre image… pieusement…

Telcide ne peut s’empêcher de remarquer l’accent émouvant de Marie. Devant elle, Rosalie et Jeanne versent des larmes silencieuses. Il est évident que la solution du pardon leur plaît infiniment :

— Mes sœurs, on ne fera jamais appel en vain à ma pitié. Puisque vous m’en priez, dit-elle, je consens à oublier les injures dont j’ai été l’objet, j’écrirai à Me Clapeau que cette petite pourra revenir. Je ne lui demanderai aucune explication…

Rosalie, Jeanne et Marie se sont levées. Dans un même élan, elles s’écrient :

— Oh ! merci !

Et elles embrassent Telcide, qui a montré une si grande abnégation.