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Le phare qui s’élève et le temple qui croule,
Ce qui voilait le jour ou donnait la clarté,
L’obscure sacristie et le laboratoire,
Le droit nouveau, le droit divin et ses décrets,
Le souterrain profond et le haut promontoire,
D’où nous avions déjà salué le Progrès.
Tout cela ne fera qu’une ruine unique.
Avenir et passé s’y vont amonceler.
Oui, nous le proclamons, ce Déluge est inique ;
Il ne renversera qu’afin de niveler.
Si nous devons bientôt, des bas-fonds en délire,
Le voir s’avancer, fier de tant d’écroulements,
Nous n’aurons pas du moins applaudi de la lyre
Au triomphe futur d’ignobles éléments.
Nous ne trouvons en nous que des accents funèbres
Depuis que nous savons l’affreux secret des flots.
Nous voulions la lumière, ils feront les ténèbres ;
Nous rêvions l’harmonie et voici le chaos.



Vieux monde, abîme-toi, disparais, noble arène,
Où jusqu’au bout l’Idée envoya ses lutteurs,
Où le penseur lui-même, à sa voix souveraine,
Pour combattre, au besoin, descendait des hauteurs.
Tu ne méritais pas, certes, un tel cataclysme,
Toi si fertile encore, ô vieux sol enchanté !
D’où pour faire jaillir des sources d’héroïsme,
Il suffisait d’un mot, Patrie ou Liberté.
Un océan fangeux va couvrir de ses lames
Tes sillons où germaient de sublimes amours,
Terrain cher et sacré, fait d’alluvions d’âmes,
Et qui ne demandais qu’a t’exhausser toujours.
Que penseront les cieux et que diront les astres,
Quand leurs rayons en vain chercheront tes sommets,