Page:Achilles Essebac - Partenza-vers la beauté.djvu/273

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
265
PARTENZA…

Alors, machinalement, après avoir erré dans vingt ruelles, je reprends les quais tracés comme un large sillon à travers la ville ; et par une étrange bizarrerie je marche dans Florence en pensant, en voyant Séville, dont le souvenir vraiment m’est importun, tellement différent de là où je suis ; tellement ! Les quais du Guadalquivir, eux, du Paseo de Cristina au pont de Triana, sont emplis de cigarières qui vont, enténébrées comme la nuit, avec ces deux taches sanglantes : l’œillet rouge énorme, planté dans la chevelure épaisse, et la bouche mignonne, petite, et rouge aussi, effrontément rouge, taillée dans le satin bronzé de leur jolie figure ; et de cette fleur exquise, qu’est cette bouche, sort, mâchée, provocante, une tige de grenadier ou d’oranger dont s’effeuillent les pétales roses ou blancs ; de la chair ou de la neige… ô Séville ! Séville, avec ses yeux contre lesquels il ne faut pas lutter, qui s’accrochent aux vôtres et mordent comme des dents cachées sous des lèvres ; Séville avec ses cantilènes aux vieux rythmes arabes, enivrants et berceurs !…

Ici, dans Florence froide et précise, plus magnifiquement belle que doucement jolie, l’extase de la chair se mue en l’extase de l’esprit, et ce n’est pas le corps qui s’émeut et tressaille, c’est l’âme…

J’ai frôlé sans le voir le Palais-Vieux et j’arrive sans m’en rendre compte à ma Loggia del Bigallo. Je n’ai rien rencontré jusqu’à cette place monumentale où se dressent dans la nuit noire les fantômes des grandes architectures ; où tout à l’heure, dans le soleil, je me promettais de revenir me reposer. Je m’appuie seu-