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PARTENZA…

aubes de dentelles. Leurs grands yeux brillaient sous les boucles brunes des cheveux répandus sur leurs fronts et leurs tempes ; ils brillaient autant que l’or des cassolettes d’or, autant que les charbons des cassolettes mouillés sans cesse d’une bouillante coulée d’encens aussitôt réduit en vapeurs bleues dans lesquelles s’enveloppaient les ors des chapes, l’or de l’autel, la flamme remuante des cierges et la jeune flamme remuante des jeunes yeux… La magnificence des rites atteignait les splendeurs irréelles d’un rêve…

Soudain, de la chair, — car rien ne fut plus extraordinairement charnel que cette voix, — de la chair s’éleva un murmure doux, une plainte, un gémissement musical, une phrase d’amour faite de cette pauvre chair qui, précisément, ne savait pas les transes de l’amour et les ivresses de ses triomphes ; de cette pauvre chair défaite, morte avant la mort, ensevelie sans cercueil et sans suaire, montait, s’échappait un mystérieux frisson de vie d’une infinie douceur, d’une infinie douleur… Et ce fut dans l’ample basilique de stucs, de marbres et d’or, parmi la multitude des pontifes réfugiés sous la carapace gemmée des chapes et des dalmatiques, ce fut, dans les grands yeux inquiets et ignorants des thuriféraires adolescents, ce fut en moi, en nous tous, je suppose, le tressaillement, la déchirure lente et poignante du cœur crispé, tordu par le charme incommensurable d’une voix, d’une Voix en qui, semblait-il, s’étaient ramassées, cristallisées toutes les sensations d’une chair insensible, toutes les joies d’une chair sans jouissances, toutes les voluptés