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DISCOURS DE RÉCEPTION

Mais aussi, avec quelle vérité les situations sont déduites ! Et quels accents pour ramener au bien, pour dissiper les sophismes d'un sentiment coupable, pour remettre les choses à leur place et substituer la réalité aux rêves, le devoir avec ses joies aux égarements avec leur punition inévitable ! Je ne connais rien de plus beau et de plus sain que cette scène du dernier acte où le mari, sur le point d’être abandonné par une épouse entraînée plutôt que séduite et chez laquelle l’honneur lutte encore, fait un suprême effort et décrit à l’avance, aux yeux des deux complices, le sort qui les attend. Affectant d’ignorer le drame qui se noue à son foyer, et semblant parler pour d’autres que pour eux, il réplique à l’amant « sûr, a-t-il dit, de ne rien regretter » :

......................................................... Vous, peut-être ;
Mais elle ! — Croyez-vous qu’à travers sa fenêtre
Elle verra passer d’un œil bien aguerri
La moindre paysanne au bras de son mari ?
Où que vous conduisiez son exil adultère.
Vous la verrez baisser les regards et se taire,
Lorsque les bonnes gens, se tenant par la main.
Sans ôter leur chapeau passeront leur chemin.
Pauvre femme ! Ses yeux errant dans l’étendue,
Comme pour y chercher la paix qu’elle a perdue,
Tâchent de découvrir par delà l’horizon
La place bienheureuse où fume sa maison,
La maison où jadis elle entra pure et vierge…
Tandis que, derrière elle, une chambre d’auberge
Garde pour compagnon à ses mornes douleurs
Un étranger pensif dont la vie est ailleurs !

Et lorsque Gabrielle, enfin désabusée, tombe aux