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discours de réception.

municipalité s’en émut ; les baïonnettes vinrent à son aide. On arrêta les mauvais plaisants ; mais le plus coupable parvint à s’échapper et à trouver un asile chez M. de Chantrans. Le procès fut sérieux. D’une turlupinade on fit un complot royaliste, et pour peine on demandait la mort de dix enfants. Le jury se partagea. Une seule voix, le suffrage de Minerve, acquitta les jeunes étourdis. M. Nodier, qui s’était hâté de réclamer sa part dans le crime de ses amis, plaida lui-même sa cause, et son discours, qui s’est conservé, se recommande autant par le bon sens que par l’habileté de la défense. On voit qu’il comprime avec prudence une ironie mordante, craignant de trop faire rire aux dépens de ses juges, déjà mal disposés pour les gens d’esprit.

Deux ans après, il publia, à un très-petit nombre d’exemplaires (il avait dès lors les manies des bibliophiles), un Recueil de Pensées tirées de Shakspeare, parmi lesquelles un assez grand nombre appartiennent en propre au soi-disant traducteur. Sans doute, c’est à une défiance modeste de lui-même qu’il faut attribuer cette espèce de déguisement, auquel il eut souvent recours dans la suite.

Sa famille le destinait au barreau, mais le temps qu’il devait consacrer à l’étude des lois était employé à composer des romans et des vers. Il ne put répondre au premier examen, et, dégoûté par ce mauvais succès, il abandonna pour toujours une carrière où il n’était entré qu’avec répugnance.

Il n’y a point d’auteur qui ne cherche à ses débuts le plus vaste théâtre. En 1800, M. Nodier quitta Besançon pour offrir ses manuscrits aux libraires de la capitale. Romans et mémoires scientifiques furent publiés à la fois ; d’un côté les Proscrits et le Peintre de Saltzbourg, imitations avouées