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appartiennent au seigneur ; son écusson ducal surmonte la porte des chaumières. Les greniers qu’il a construits, les puits qu’il a creusés, sont autant de monuments qui célèbrent la gloire de son nom. Une inscription pompeuse vous prie fièrement de ne jamais l’oublier.

Son palais vaste, carré, monumental, surmonté d’une tour qui sonne les heures, est le centre du village et de l’exploitation agricole. Cet édifice n’a jamais vu ni le propriétaire actuel, ni son père, ni son grand-père ; tout au plus si le bisaïeul s’y est arrêté une fois en passant. Le marchand de campagne a établi ses bureaux dans ce monument. On voit entrer et sortir, comme dans les mairies de province, un jeune employé, le cigare à la bouche, la plume oubliée derrière l’oreille. Vers le soir, les gardiens du bétail, les inspecteurs des travaux, les surveillants assermentés, ornés d’une plaque d’argent aux armes ducales, arrivent sur leurs chevaux qui trottent l’amble. Chacun fait son rapport et demande des ordres. Quelques charrettes amènent des denrées au magasin, ou des bestiaux couchés, sur le flanc les pattes enchaînées, le museau lié par une corde de foin. On enregistre les produits, on les expédie à Rome, après avoir prélevé ce que chacun croit pouvoir prendre sans danger. Cependant la terre est si féconde, les animaux poursuivent si vigoureusement leur œuvre de reproduction, que le marchand de campagne mettra quelque dix mille écus de côté à la fin de la saison. Quant au propriétaire, au maître de la plaine et du château, au duc de Carabas, il n’entendra jamais parler de toute cette richesse. Il a touché quelques années d’avance pour donner une fête ou pour bâtir un jardin. On dit même qu’il est mal dans ses affaires et