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182 NOS ARTISTES

dormi par le froid et la faim. Les haillons qui l’habillent sont de ce noir particulier aux pauvresses de Paris, et qu’on pourrait appeler noir de misère. Elle est coiffée du madras et de la mentonnière des femmes de la halle ; un cabas raccommodé renferme tout son fonds de boutique, et il faut arriver de bien loin pour ne pas reconnaître dans ce commerce un des mille déguisements de la mendicité.

M. Stevens ferait bien de laisser à d’autres l’exploitation de la tristesse, les marchandes de petits portefeuilles, les bouges du commissionnaire au mont-de-piété, les vagabonds conduits au poste. Élégant de son pinceau comme de sa personne , il est fait pour régner dans le domaine de la grâce et les guenilles ne lui vont pas.

La peinture de genre n’a pas pour but d’éveiller une sensibilité douloureuse, d’oppresser les regardants, de nous faire détourner la tête. Elle peut émouvoir quelquefois, mais discrètement, à la façon de Sterne ou d’un certain petit tableau de M. Charles Marchai.

Ici, l’artiste a touché au bon endroit ; le sentiment couvre la marchandise.

Un honnête ouvrier, de ceux qui travaillent à leur compte et qui passent le dimanche à la maison, vient souhaiter la fête de sa mère. Il a quitté son travail et la forge qui flambe encore dans la pièce voisine, pour apporter un bouquet de fleurs prin-