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dre. Le sieur Benoît eut beau répéter par l’organe de son avocat qu’il s’était toujours entendu appeler marquis de Kerpry, il fut condamné à signer Benoît et à payer les frais. Le jour où il reçut cette nouvelle, il écrivit au jeune comte une lettre d’injures grossières, signée Benoît. Le dimanche suivant, vers huit heures du matin, il rentra chez lui sur un brancard, avec dix centimètres de fer dans le corps. Il s’était battu, et l’épée du comte s’était brisée dans la blessure. Éliane, qui dormait encore, arriva juste à temps pour recevoir ses excuses et ses adieux.

Si cette aventure n’avait pas fait un scandale épouvantable, la province ne serait pas la province. Les hobereaux du voisinage témoignèrent une exaspération comique : ils auraient voulu reprendre à la fausse marquise les visites qu’ils lui avaient faites. La veuve n’entendit pas le bruit qui se faisait autour d’elle : elle pleurait. Ce n’est pas qu’elle regrettât rien de M. Benoît, dont les défauts, petits et grands, l’avaient à jamais corrigée du mariage ; mais elle déplorait sa confiance trompée, ses espérances perdues, son horizon rétréci, son ambition condamnée à l’impuissance. Si vous voulez vous peindre l’état de son âme, figurez-vous un fakir à qui l’on signifie qu’il ne verra jamais Wichnou. Du fond de sa retraite, elle lançait sur le faubourg Saint-Germain des regards d’Ève chassée du paradis terrestre.

Un matin qu’elle pleurait sous un berceau de cléma-