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rousses. Sa femme, debout auprès d’un samavar, lui versait coup sur coup d’énormes tasses de thé. Un domestique annonça M. le comte de Kerpry. Le capitaine, tout malade qu’il était, se dressa brusquement sur ses pieds.

« Ne m’avez-vous pas dit que vous n’aviez pas de parents ? demanda Éliane passablement étonnée.

— Je ne m’en connaissais pas, répondit le capitaine, et je veux que le diable m’emporte… Mais nous verrons bien. Faites entrer ! »

Le capitaine sourit dédaigneusement lorsqu’il vit paraître un jeune homme de vingt ans, d’une beauté presque enfantine. Il était de taille raisonnable, mais si frêle et si délicat, qu’on était tenté de croire qu’il n’avait pas fini de grandir. Ses longs yeux bleus regardaient autour d’eux avec une sorte de timidité farouche. Lorsqu’il aperçut la belle Éliane, sa figure rougit comme une pêche d’espalier. Le timbre de sa voix était doux, frais, limpide ; j’allais dire féminin. Sans la moustache brune qui se dessinait finement sur sa lèvre, on aurait pu le prendre pour une jeune fille déguisée en homme.

« Monsieur, dit-il au capitaine en se tournant à demi vers Éliane, quoique je n’aie pas l’honneur d’être connu de vous, je viens vous parler d’affaires de famille. Notre conversation, qui sera longue, contiendra sans doute des chapitres fastidieux, et je crains que madame n’en soit horriblement ennuyée.