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connus, leur enthousiasme pour la monarchie et le respect qu’ils affichaient pour la noblesse, leur conservaient la clientèle de tout le faubourg. M. Lopinot, en fournisseur bien appris, n’envoyait jamais une note qu’on ne la lui eût demandée. On n’a jamais ouï dire qu’il eût appelé en justice un débiteur récalcitrant. Aussi les descendants des croisés firent-ils souvent banqueroute au Bon Saint-Louis ; mais ceux qui payaient, payaient pour les autres. Cet estimable marchand, entouré de personnes illustres dont les unes le trompaient et dont les autres se laissaient tromper, arriva peu à peu à mépriser uniformément sa noble clientèle. On le voyait très-humble et très-respectueux au magasin ; mais il se relevait comme un ressort en rentrant chez lui. Il étonnait sa femme et sa fille par la liberté de ses jugements et l’audace de ses maximes. Peu s’en fallait que Mme Lopinot ne se signât dévotement lorsqu’elle l’entendait dire après dîner : « J’aime fort les marquis, et ils me semblent gens de bien ; mais à aucun prix je ne voudrais d’un marquis pour gendre. »

Ce n’était pas le compte de Gabrielle-Auguste-Éliane. Elle se fût fort accommodée d’un marquis, et, puisque chacun de nous doit jouer un rôle en ce monde, elle aurait volontiers donné la préférence au rôle de marquise. Cette enfant, accoutumée à voir passer des calèches comme les petits paysans à voir voler les hirondelles, avait vécu dans un perpétuel éblouisse-