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Stavros ne remuait que le bout des doigts et le bout des lèvres : les lèvres pour dicter sa correspondance, les doigts pour compter les grains de son chapelet. C’était un de ces beaux chapelets d’ambre laiteux qui ne servent point à chiffrer des prières, mais à amuser l’oisiveté solennelle des Turcs.

Il leva la tête à notre approche, devina d’un coup d’œil l’accident qui nous amenait, et nous dit avec une gravité qui n’avait rien d’ironique :

« Vous êtes les bienvenus. Asseyez-vous.

— Monsieur, cria Mme Simons, je suis Anglaise, et… »

Il interrompit le discours en faisant claquer sa langue contre les dents de sa mâchoire supérieure, des dents superbes en vérité. « Tout à l’heure, dit-il, je suis occupé. » Il n’entendait que le grec, et Mme Simons ne savait que l’anglais ; mais la physionomie du Roi était si parlante, que la bonne dame comprit aisément sans le secours d’un interprète.

Nous prîmes place dans la poussière. Quinze ou vingt brigands s’accroupirent autour de nous, et le Roi, qui n’avait point de secrets à cacher, dicta paisiblement ses lettres de famille et ses lettres d’affaires. Le chef de la troupe qui nous avait arrêtés vint lui donner un avis à l’oreille. Il répondit d’un ton hautain : « Qu’importe, quand le milord comprendrait ? Je ne fais rien de mal, et tout le monde peut m’entendre. Va t’asseoir. — Toi, Spiro, écris : c’est à ma fille. »

Il se moucha fort adroitement dans ses doigts, et dicta d’une voix grave et douce :

« Mes chers yeux (ma chère enfant), la maîtresse de pension m’a écrit que ta santé était