Page:About - Le Roi des montagnes.djvu/224

Cette page a été validée par deux contributeurs.

besoin de vous décrire la place assiégée : vous la connaissez depuis longtemps. Croyez cependant que l’aspect des lieux avait bien changé depuis le jour où j’y déjeunai pour la première fois, sous l’œil du Corfiote, entre Mme Simons et Mary-Ann. Nos beaux arbres avaient les racines en l’air, et le rossignol était loin. Ce qu’il vous importe de savoir, c’est que nous étions défendus à droite et à gauche par des rochers inaccessibles, même à l’ennemi. Il nous attaquait d’en haut par le cabinet du Roi, et il nous surveillait au bas du ravin. D’un côté ses feux plongeaient sur nous ; de l’autre, nous plongions sur ses sentinelles, mais à si longue portée, que c’était jeter la poudre aux moineaux.

Si Coltzida et ses compagnons avaient eu la moindre notion de la guerre, c’était fait de nous. Il fallait enlever la barricade, entrer de vive force, nous acculer contre un mur ou nous culbuter dans le ravin. Mais l’imbécile, qui avait plus de deux hommes contre un, s’avisa de ménager ses munitions et de placer en tirailleurs vingt maladroits qui ne savaient pas tirer. Les nôtres n’étaient pas beaucoup plus habiles. Cependant, mieux commandés et plus sages, ils cassèrent bel et bien cinq têtes avant la tombée de la nuit. Les combattants se connaissaient tous par leurs noms. Ils s’interpellaient de loin à la façon des héros d’Homère. L’un essayait de convertir l’autre en le couchant en joue, l’autre ripostait par une balle et par un raisonnement. Le combat n’était qu’une discussion armée où de temps en temps la poudre disait son mot.

Pour moi, étendu dans un coin à l’abri des balles, j’essayais de défaire mon fatal ouvrage et