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l’appui d’un gouvernement, les encouragements d’un public, les conseils d’une critique intelligente. Toutes ces bonnes choses, qui abondent chez nous, leur manquent absolument ; ils ne les connaissent que par ouï-dire. Leur seul encouragement, leur unique ressort, c’est la faim qui les talonne et l’étranger qui passe. Ils vont au plus pressé, ils abattent une copie en huit jours, et lorsqu’elle est vendue, ils en recommencent une autre. Si quelque ambitieux entreprend une œuvre originale, à qui demandera-t-il si elle est bien ou mal ? La classe régnante ne s’y connaît pas, et les princes ne s’y connaissent guère. Le possesseur de la plus belle galerie de Rome disait l’an passé dans le salon d’une ambassade : « Moi, je n’admire que le chic. » Le prince Piombino a commandé un plafond à M. Gagliardi : il voulait absolument payer l’artiste à la journée. Le gouvernement a bien d’autres soucis que l’encouragement des arts ; les quatre petits journaux qui circulent s’amusent quelquefois à citer le nom de leurs amis ; c’est pour les flagorner niaisement. Les étrangers qui vont et viennent sont souvent des hommes de goût, mais ils ne composent pas un public. À Paris, à Munich, à Dusseldorf, à Londres, le public est un véritable individu, un homme à mille têtes. Lorsqu’un jeune talent a frappé son attention, il le suit des yeux, l’encourage, le blâme, le pousse en avant, le ramène en arrière ; il se prend de belle amitié pour celui-ci, et se fâche tout rouge contre celui-là. Il se trompe quelquefois ; il a des engouements ridicules et des retours injustes, mais il