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sur le point de publier la grande Bible que l’on connaît déjà par quelques centaines d’échantillons, et qui restera (jusqu’à nouvel ordre) le chef-d’œuvre du génie de Doré. Hé bien, les grands libraires de Paris, ceux qui avaient fait leurs commandes par trois et quatre cents exemplaires, sont pris d’hésitation. Ils doutent, non du succès qui est assuré cent fois pour une, mais de la vente. Paris a peur, Paris n’achète plus.

Je comprends ces économies pusillanimes au dixième siècle de l’ère chrétienne. Le monde devait finir en l’an 1000 ; toutes les prophéties étaient d’accord sur ce point. On cessa de bâtir, de travailler ; chacun fit pénitence : l’argent ne servit plus qu’à payer les contremarques du Paradis, qui se vendaient dans les couvents et dans les églises. Mais nous n’en sommes plus là, Dieu merci ! nous savons qu’une épidémie, si grave qu’elle soit, est une conscription où l’on compte un mauvais numéro sur mille. Encore, le perdant peut-il se racheter par la prudence et les bons soins. Usons de tout avec prudence, faisons provision d’un bon médecin, et vivons comme à l’ordinaire. Si votre billet est bon, vous aurez honte un peu plus tard d’avoir changé votre train de vie. Et si le malheur veut que vous tombiez au sort, vous n’emporterez pas vos économies dans l’autre monde.

Les journaux reviennent encore de temps à autre