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une armoire ou dans un trou. Ceux-là, pour se donner de temps à autre le plaisir malsain de voir et de toucher des métaux précieux, détiennent dans la stérilité un instrument de travail. La manie de thésauriser aboutit presque au même point que la prodigalité. Dans un pays où 100 000 francs placés à cinq se doublent en 14 ans et 75 jours, l’avare qui enfouit cette somme dans son jardin fait la même folie que messieurs les fils de famille quand ils gaspillent 100 000 francs. Seulement, le prodigue dévore en un an, peut-être en six mois, 100 000 francs nés et acquis, tandis que le thésauriseur met 14 ans et 75 jours à manger par les yeux 100 000 francs en herbe. À la fin de l’opération, le prodigue n’a plus 100 000 francs qu’il avait ; l’avare n’en a que 100 000 quand il devrait en avoir le double ; l’un a détruit 100 000 francs réels et l’autre 100 000 francs virtuels : la folie de ces deux hommes se solde en dernier lieu par un chiffre identique.

Mais le thésauriseur est moins nuisible que le prodigue : s’il empêche ses capitaux de produire, du moins il les conserve tels qu’il les a reçus. Et pour les conserver intacts au milieu des nécessités incessantes de la vie, il est forcé de pourvoir à ses besoins par un travail personnel. Ayez dix millions enfouis dans votre cave, vous mourrez de faim