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duit consommé ressuscitera sous une autre forme dans un autre produit échangeable ; cependant vous payez la même somme, et d’aussi bon cœur, que l’industriel qui éclaire ses ouvriers. C’est que le plaisir produit par cet éclairage équivaut pour vous, dans le moment, à toute autre utilité qu’il aurait pu produire.

Un laquais fait moins de besogne qu’un serrurier. Croiser les bras derrière une voiture, croiser les jambes sur une banquette d’antichambre, voilà, je l’avoue, un sot travail dont les produits n’enrichiront jamais le genre humain. Mais s’ensuit-il que le laquais soit inutile au maître qui lui paye ses gages ? S’il ne produisait pas la satisfaction d’un besoin artificiel et même ridicule, mais réel, est-ce que personne aurait des laquais ? Le maître a calculé le produit et la dépense qu’un laquais peut ajouter à son train de maison. Le maître sait compter ; peut-être a-t-il travaillé quarante ans de sa vie pour obtenir le droit de jouer stupidement au grand seigneur. Rien ne me prouve qu’il n’a pas été entrepreneur de serrurerie. Le jour où il engage un laquais, il sait bien que ce garçon ne produira pas le même genre de services qu’un compagnon serrurier, mais il en espère autre chose. « Mon ami, dit-il au laquais, j’ai trois cent mille livres de rentes et l’usage qui régit les