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passés avant nous, et dont la grande majorité de l’espèce humaine se passe encore à côté de nous. Le Parisien qui a peiné toute une journée éprouve quelquefois le besoin de s’amuser. Dans ce cas, les auteurs et les comédiens qui l’amusent, lui rendent un véritable service : ils reposent son esprit, ils détendent ses nerfs, ils le rendent plus apte à bien travailler le lendemain. Le plaisir est chose utile, et celui qui fabrique notre plaisir est un producteur comme un autre.

Lorsque le pain coûte 25 centimes le kilogramme et que l’entrée à l’Exposition des beaux-arts coûte un franc, vous voyez chaque jour plus de mille individus donner quatre kilogrammes de pain pour une promenade de quelques heures le long des tableaux et des statues. Quand ils sortent de là, ils ont mangé par les yeux leurs quatre kilogrammes de pain. En ont-ils regret ? Non, car ils avaient déjeuné avant de venir, ils sont sûrs de dîner le soir ; le besoin de nourriture leur parlait moins haut, à un moment donné, que le besoin de peinture. Le visiteur qui passe au tourniquet du Salon avoue implicitement, en donnant ses vingt sous, que la production des artistes contemporains lui paraît plus utile à regarder pendant une heure que quatre kilos de pain à dévorer.

Quand Mlle Patti va chanter pour deux mille