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vail des bras. Mettez en parallèle un bon gros maréchal qui ferre vingt-cinq chevaux dans sa journée, et un petit vieux mathématicien chétif qui aligne des chiffres et des formules sur le papier ; vous verrez que le plus grand producteur n’est pas celui qui frappe fort.

Ce n’est pas tout. Les sciences et les arts produisent une utilité morale, étrangère et supérieure à leurs applications pratiques. Les travaux qui ont pour effet de redresser nos erreurs, de fortifier notre raison, d’élever notre esprit, d’améliorer notre âme sont aussi productifs en leur genre que ceux qui tendent à faire baisser le prix de la viande ou du pain. L’astronome, le philosophe, le poète, le peintre, le musicien, le sculpteur ne travaillent pas pour satisfaire les besoins primitifs de l’homme, mais ils servent des besoins aussi impérieux, chez l’homme civilisé, que la faim et la soif. Chez l’homme naturel, les besoins naturels sont tout, mais nous ne sommes plus des hommes naturels. Dans notre plus strict nécessaire il entre énormément de superflu. Nous avons besoin de souliers, de chemises et de mouchoirs de poche ; ce n’est pas la nature, mais la civilisation et une civilisation très-raffinée, qui nous impose ces nécessités-là. Nous avons besoin de certitude, de poésie, de musique, de peinture, de comédie, de mille choses dont les hommes se sont