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n’a pas vécu inutile. C’est la sagesse indienne qui le dit. L’arbre donnera des fruits, ou tout au moins de l’ombre, à ceux qui naîtront demain, affamés et nus. Celui qui a planté l’arbre a bien mérité ; celui qui le coupe et le divise en planches a bien mérité ; celui qui assemble les planches pour faire un banc a bien mérité ; celui qui s’assied sur le banc, prend un enfant sur ses genoux et lui apprend à lire, a mieux mérité que tous les autres. Les trois premiers ont ajouté quelque chose au capital commun de l’humanité ; le dernier a ajouté quelque chose à l’humanité elle-même. Il a fait un homme plus éclairé, c’est-à-dire meilleur[1]. »

Rappelez-vous aussi que le fonds de la civilisation se compose d’outils immatériels, c’est-à-dire d’idées. On peut mettre à la fonte tous les leviers qui existent aujourd’hui ; on peut jeter au feu tous les baquets et toutes les brouettes, disloquer toutes les machines à vapeur, démonter tous les télégraphes : la science, qui est l’âme de tous ces engins utiles, survivrait à leur destruction et les remplacerait en quelques jours.

Donc le travail de tête, comme on dit vulgairement, est pour le moins aussi productif que le tra-

  1. Le Progrès, Hachette, 1864.