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Mais le patron, qui n’est pas un mercenaire, le patron qui ne reçoit pas de salaires et qui en paye, ce grand industriel, cet homme autour de qui tout abonde, pensez-vous qu’il n’ait besoin de rien ? Il a de quoi combler l’ambition de cent ouvriers parisiens, de quoi sauver la vie à dix mille naufragés mourant de faim et de froid ; mais ses besoins ont changé avec sa fortune.

Vous supposez peut-être qu’il s’éveille la nuit pour se féliciter de tous les biens qu’il a ? Non : s’il s’éveille, c’est plutôt pour penser aux biens qui lui manquent.

L’homme est ainsi bâti que d’étape en étape il considère son point d’arrivée comme un nouveau point de départ.

Nous prenons pour accordés les avantages que le sort ou le travail nous procure, et nous nous empressons de penser à d’autres.

Un directeur d’usine n’est pas plus sensible au plaisir d’aller en voiture que vous ou moi au plaisir d’avoir des souliers.

Certes il n’est pas à plaindre, celui qui abat sa journée en deux heures de temps. Mais ces deux heures du travail quotidien lui deviennent pénibles à la longue, d’autant plus que le souci des affaires le poursuit tout le reste du temps. Il souffre de l’incertitude qui pèse sur les fortunes engagées