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INTRODUCTION.

ce que les galeries du musée, vues le dimanche, dans la cohue, sans explication ni commentaire ? Qu’est-ce que les concerts que nous nous donnons à nous-mêmes, entre amis, dans nos sociétés chorales ? Qu’est-ce que la nature poudreuse et plâtreuse des banlieues, la seule qui nous soit offerte au printemps ? J’aime ma petite femme et je souffre de la voir réduite à travailler comme moi. Quelque chose me dit que l’homme seul doit subvenir par son labeur à tous les besoins de la famille. C’est ainsi que cela se passe chez mon patron et chez tous les riches : quand donc en sera-t-il de même chez nous ? Je souffre aussi de voir ma femme mesquinement vêtue ; je souffre de ne pouvoir lui consacrer que les rognures de mes journées, les déchets de ma vie, les miettes de mon temps : mon cœur me dit qu’on aime autrement et mieux quand on n’est pas esclave de la difficulté de vivre. J’adore mon moutard, et j’enrage à l’idée qu’il sera, sauf miracle, un salarié comme moi. Je l’enverrai certainement à l’école primaire, mais le lycée lui est interdit comme le Pater aux ânes. Est-ce qu’on n’inventera pas une combinaison qui change tout ça ? À quoi sert le génie des inventeurs ? Où est le progrès ? Je me résignerais encore à peiner toute ma vie, si j’avais l’espérance de laisser ce petit-là moins mercenaire que nous. »