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vations que l’homme souffrait jadis et que les peuples moins civilisés connaissent encore aujourd’hui ? Non. Il rêve aux prospérités de son patron, ce puissant industriel qui se fait bâtir un hôtel au boulevard Haussmann et qui vient d’acquérir un château en province.

C’est le patron qui est heureux ! En deux heures de temps, il expédie ses affaires de chaque jour, tandis que l’ouvrier travaille dix heures ! il va, il vient, il se fait voiturer où bon lui semble, au bois de Boulogne, aux courses, à l’Opéra, aux Italiens. Pour un oui ou pour un non, il prend l’express et voit cent lieues de pays en quelques heures. Il a une femme élégante, aux mains blanches ; il lui donne tout ce que la mode invente de plus cher. Il a des tableaux de maître dans son salon, une bibliothèque bourrée des meilleurs et des plus beaux livres.

« Moi, je lis tant que je peux, mais comment faire, quand on est pris dix heures par jour ? Je n’ai pas le moyen de choisir mes lectures ; il faut aller au bon marché, et Dieu sait quel salmigondis la presse à bon marché nous fabrique ! Je vais au théâtre cinq ou six fois par an, mais l’ouvrier n’a guère le choix de ses spectacles. J’ai l’amour instinctif de tout ce qui est grand et beau, et ma condition ne me permet pas de le satisfaire. Qu’est-