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INTRODUCTION.

ves à mon service, ils ne me procureraient pas la moitié des biens utiles qui abondent dans cette mansarde. Pour fabriquer un seul clou de ces souliers, je travaillerais dix ans, à raison de vingt-quatre heures par jour, et je n’y parviendrais pas !

Lecteur intelligent, je n’ai pas besoin de vous présenter ces heureux de la terre qui ont du pain sur leur table et des clous à leurs souliers. Vous les avez reconnus, et qui sait si vous ne vous êtes pas reconnu vous-même ? C’est un petit ménage d’ouvriers parisiens. Le mari gagne cent sous par jour et la femme trente.

Mais le maître de cet humble logis ne sait pas qu’il est un objet d’envie pour le naufragé et pour bien d’autres ; par exemple pour le portier russe qui doit dans un tonneau devant le palais de son maître, ou pour le moissonneur romain qui boit la poussière et tire la langue comme un pauvre chien, depuis le lever du soleil jusqu’à la chute du jour. On l’étonnerait fort en lui disant qu’il est mieux logé, mieux nourri, mieux vêtu et infiniment plus civilisé que certains chevaliers du moyen âge et même que tous les rois de l’Iliade et de l’Odyssée.

Il rêve, lui aussi, mais à quoi ?

Aux dangers dont il est exempt ? Non. Aux pri-