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Beaucoup d’ouvriers se croient exploités par le patron ; ils pensent que le salaire, suivant l’expression hardie de M. Limousin, n’est qu’un à-compte sur le produit du travail, et lorsqu’on leur répond que le salaire est un prix ferme au delà duquel personne ne doit plus rien, ils crient au voleur !

Cette opinion était déjà si bien enracinée il y a vingt ans, que le premier mouvement des ouvriers de Paris, après la chute du roi Louis-Philippe, fut de s’organiser en sociétés fraternelles où tout le monde était patron. Quels que fussent leurs préjugés contre l’infâme capital, ils comprirent qu’il y aurait folie à commencer leurs entreprises sans lui. Le gouvernement provisoire vint à leur aide par un prêt de trois millions. Trois cents sociétés de production se fondèrent ; elles n’ont rien remboursé, et deux cent quatre-vingt-quatre sur trois cents ont péri. Il faut dire que la politique, après avoir favorisé leur naissance, n’a pas été étrangère à leur mort.

Il suffit, selon moi, que seize d’entre elles aient vécu et prospéré dans une certaine mesure pour que nous ne découragions pas les nouvelles tentatives de coopération. Mais ce serait mentir aux ouvriers que de leur dire : l’État vous prêtera encore de l’argent. Ils ne doivent compter que sur eux-