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taux peuvent s’associer, et faire ainsi de grosses sommes ; l’association de cent misères ne produira qu’une immense misère.

L’ouvrier s’abuse si peu sur sa situation qu’il n’essaye pas même d’emprunter au petit bourgeois ; il lui prête plutôt ses économies. M. Engelmann l’a dit dans sa déposition de l’enquête sur les sociétés coopératives : « Quant aux ouvriers, qui n’empruntent guère, notre société est pour eux une sorte de caisse d’épargne. »

Je suis à peu près sûr que si l’on choisissait dans toutes les manufactures de France mille travailleurs d’élite, et si on leur offrait mille francs par tête, à 5 pour 100, pour s’établir isolément chacun à son compte, ils résisteraient presque tous aux agaceries du capital.

Le temps n’est plus où l’ouvrier de distinction rêvait de s’établir à son compte en qualité d’artisan, ou de petit patron. Une révolution s’est faite dans l’esprit des ateliers ; on commence à comprendre que l’existence des humbles fabriques est menacée par les manufactures ; on assiste à une guerre où les gros bataillons, c’est-à-dire les gros capitaux, ont la victoire assurée. On sent aussi (car on a l’esprit juste) qu’un excellent ouvrier ne ferait qu’un médiocre artisan. La division du travail développe certains côtés du talent au détri-