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sor qui représentait des années d’épargne, a fondu en peu de jours ; on s’est même endetté pour quelque temps. Je veux croire que tant de sacrifices n’ont pas été perdus, et que la grève a fait hausser les salaires dans une certaine proportion. Mais si l’heure d’atelier est payée quelques centimes de plus, elle paraîtra deux fois plus longue et plus pénible à l’homme qui n’empoche plus qu’une partie de son salaire et qui travaille pour s’acquitter.

Et si la grève a tué l’industrie qui vous faisait vivre ? Si le consommateur, dérangé dans ses habitudes ou agacé par vos prétentions, se met en grève à son tour et délaisse vos produits ? Cela s’est vu ; j’ai des exemples au bout de la plume. Si, sans aller si loin, le public, qui vous faisait vivre, adresse désormais ses commandes aux fabricants étrangers ? Il n’y a plus de loi qui oblige les consommateurs français à se fournir en France. Tout récemment la grève des chapeliers de Paris a provoqué une énorme importation de chapellerie anglaise ; la grève des carrossiers parisiens a procuré de belles commandes aux fabricants de Bruxelles.

Ce côté faible de la grève n’a pas échappé aux grands meneurs de la classe ouvrière, qui sont, je l’avoue, des stratégistes éminents. Depuis trois ou quatre ans, on voit poindre le projet d’une ligue