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entre le prix de vente et le prix de revient. Si l’on subit la loi des ouvriers, il faudra fabriquer à perte et peut-être se ruiner. Périr pour périr, les fabricants qui ont du cœur aiment mieux recourir aux partis extrêmes : ils suspendent leurs affaires et opposent au chômage des bras le chômage des capitaux. La production nationale est suspendue ; la consommation se restreint ou s’approvisionne à l’étranger. Cette crise dure quelques semaines, après quoi les ouvriers et les patrons, rudement éprouvés, s’arrangent à l’amiable et finissent par où ils auraient dû commencer.

Mais au lendemain d’une telle secousse, la reprise des travaux se fait toujours dans de tristes conditions. Il reste un levain de rancune au fond des cœurs ; le capital et la main-d’œuvre ne se sont réconciliés que par force ; le souvenir des hostilités survivra longtemps. On va collaborer comme autrefois, mais non plus avec les sentiments d’autrefois.

Ce n’est pas tout. Les ouvriers ont fait la guerre à leurs dépens et aux frais de leurs familles. Ils se sont imposé des privations ; ils ont vu, ils ont fait souffrir femme et enfants : la force, la santé, la gaieté, l’harmonie du ménage ont reçu quelques atteintes ; on a moins de cœur au travail. Le peu d’argent qu’on avait mis de côté, ce modeste tré-