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40 ares par tête (c’est à peu près ce qui vous reviendrait), que feriez-vous d’un coin de terre inculte, sans capital pour le mettre en valeur ? La terre n’est pas une richesse par elle-même, avant tout travail ; elle n’est qu’une occasion de dépense. Et si vous arriviez par miracle à défricher votre lopin, le jour où vous commenceriez à récolter le fruit de vos peines, trouveriez-vous plaisant qu’on vînt vous dire : restituez dix ares ; la population a augmenté de deux millions, il faut faire une part aux nouveaux venus ?

Du reste, il n’est pas vrai que la terre soit accaparée en entier. La terre de France, oui sans doute, parce que nous sommes un grand peuple condensé dans un étroit espace ; mais à trois jours d’ici, en Algérie, il y a des millions d’hectares à donner. Les hommes manquent au Brésil, en Égypte, aux États-Unis, et la terre y surabonde. Si l’homme aux prises avec un sol neuf pouvait se débrouiller sans capital, je sais dix gouvernements qui vous appelleraient bien vite, et qui payeraient votre passage. L’émigration est très-demandée au delà de l’océan. L’Amérique du Nord accueille, bon an, mal an, 300 000 travailleurs nés et élevés en Europe, aux frais de l’Europe, qui ont coûté l’un dans l’autre une dizaine de mille francs à notre vieille terre épuisée : on estime qu’il faut environ dix mille francs pour faire