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et le travail et l’épargne les reconquièrent à petit bruit. Nous savons tous comment on devient propriétaire en l’an de grâce 1868. On crée un capital à force de travail et d’épargne, et on l’échange en totalité ou en partie contre un bien-fonds. Il n’y a pas un pouce du sol français qui ait été acquis autrement ; pas un titre de propriété qui se fonde sur l’occupation ou la conquête. Ceux qui possèdent de nos jours un coin de terre en ont créé l’équivalent, ils l’ont tiré d’eux-mêmes, pour ainsi dire, à moins qu’ils l’aient reçu par héritage.

Ce n’est point par hasard que le fils hérite de son père. Son patrimoine et sa naissance dérivent de la même source ; c’est un même homme qui l’appelle à la vie et qui lui amasse de quoi vivre. Assurément le père aurait moins produit et moins épargné s’il n’avait eu personne à pourvoir. Le fils est donc au moins la cause occasionnelle de cette fortune qu’il empoche.

On dit aux prolétaires qu’ils sont déshérités ; rien n’est plus faux. Déshérités par qui ? Déshérités de quoi ? Leurs pères n’ont rien laissé pour eux. Ont-ils la prétention d’hériter d’un inconnu, au détriment des successeurs légitimes ? « Mais on a partagé la terre sans nous, et l’on n’a pas réservé notre lot. » Et comment pouvait-on prévoir votre naissance ? L’eût-on fait, vous eût-on gardé un hectare