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sous que de le conserver, et s’il met les deux sous dans une tirelire, les deux sous seront-ils moins à lui que le poisson ? Non. Et quand la tirelire sera pleine, s’il la casse et s’il y trouve cent francs, les cent francs lui appartiendront aussi incontestablement que chaque pièce de deux sous lui appartenait en détail. Ce n’est pas en vertu de tel ou tel article du Code, c’est en vertu de la loi naturelle que les lois écrites formulent et sanctionnent, mais que sous aucun prétexte elles ne peuvent abolir.

Celui qui a épargné cent francs est libre d’en faire ce qu’il veut, pourvu qu’il ne les emploie pas à nuire. Il peut les manger en un seul repas au café Anglais ; c’est mille poissons à deux sous pièce qu’il dévorera dans sa soirée, mais personne n’aura rien à dire. Il peut les jeter à la rivière ; c’est comme s’il enterrait mille poissons dans un grand trou : il fait une sottise, mais il est dans son droit. Il peut échanger cet argent contre un filet, capital utile. Les cent francs ainsi transformés deviendront ses collaborateurs ; grâce à eux, il prendra plus de poisson en moins de temps et avec moins de fatigue.

Si quelque autre pêcheur à la ligne lui dit : « Prête-moi ton filet pour aujourd’hui, et je te donnerai la moitié de ma pêche, » il rend service contre service, suivant la grande loi naturelle de réci-