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100 000 francs ; l’année d’avant, 12 000 ; quelquefois rien ; quelquefois moins que rien, c’est-à dire une perte assez notable : car tout n’est pas profit dans l’industrie, ni dans le commerce non plus, ni même dans l’agriculture. Il y a telle année où l’on s’estime heureux d’avoir joint les deux bouts, et d’éviter ce salaire tristement négatif qu’on nomme la faillite.

Quand vous entrez dans une boutique d’épicier pour prendre un demi-kilogramme de sucre, les 75 centimes que vous jetez sur le comptoir ne sont pas le salaire du marchand seul ; la somme est à répartir entre plusieurs milliers d’individus qui ont collaboré directement ou indirectement au service que cette livre de sucre va vous rendre. L’acheteur n’entre pas dans le détail d’une répartition si compliquée : toute sa vie n’y suffirait pas. Vous avez affaire au marchand ; il vous demande un prix qu’il sait ou qu’il croit rémunérateur. Il a fait ses calculs d’avance ; il s’est prouvé à lui-même que s’il vendait son sucre 75 centimes, il pourrait payer tous les salaires des autres producteurs et s’adjuger à lui-même 1 centime ou 2 pour salaire. Peut-être bien s’est-il trompé ; peut-être, en fin de compte, au bout de l’an, verra-t-il que ses calculs étaient faux, que la totalité de ses salaires se réduit à zéro, ou même qu’il a plus perdu que gagné. C’est son