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tôt à croire qu’une certaine école en a trop rétréci la signification depuis quelques années. Nous avons vu naître et grandir le monstre fantastique, bouc émissaire de la société moderne, qu’on s’exerce à lapider sous le nom de salariat. Tout récemment, tandis que je lisais une tirade fort éloquente, ma foi ! contre l’humiliante oppression du salaire, il m’arriva de Paris une assignation ou citation (je ne sais trop), mais un papier qui m’appelait à déposer en justice. Au verso de la feuille, je lus cette formule imprimée, et qui par conséquent n’était pas faite pour moi seul :

« Le témoin recevra salaire ! »

N’y avait-il pas là matière à réflexion ? Tous les ans, nos magistrats adressent la même invitation, dans les mêmes termes, à un demi-million de Français, sinon plus. J’estime que les trois quarts des citoyens reçoivent pour le moins une fois dans leur vie un papier rédigé dans ce style. Or il est impossible que la loi, cette haute expression de la sagesse publique, insulte de propos délibéré la presque totalité de la nation. Si le salaire impliquait un sens injurieux ou simplement désagréable, on n’aurait garde de l’infliger aux hommes qu’on invite à parler sous la foi du serment. Évidemment, le ministère public interprète ce mot dans le même sens que les plus grands législateurs