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nit pas et que nous sommes incapables de nous donner nous-mêmes.

Durant plusieurs années, les autres hommes nous logent, nous habillent, nous alimentent : la société nous fait crédit. Nous n’existons que comme débiteurs jusqu’à l’âge où nous pouvons tant bien que mal nous suffire à nous-mêmes. Arrive une période où le jeune homme gagne à peu près ce qu’il coûte et vit au pair, comme certains commis de magasin et apprentis de fabrique. Enfin, vers l’âge de vingt-sept ans, si j’en crois les économistes, nous commençons à gagner plus que notre dépense et à rembourser les avances que la société a faites pour nous.

Les enfants, et je sais beaucoup d’hommes qui sont enfants sur ce point, s’imaginent que la société leur doit quelque chose. N’avez-vous jamais entendu ce fameux axiome : « À chacun selon ses besoins ? »

Moi, je le trouvais admirable en 1848. J’avais vingt ans, j’étais ignorant des choses de la vie comme un bon lycéen, c’est tout dire. Je n’avais jamais fait que des thèmes et des versions, fort inutiles sans doute à la communauté des hommes, et je me croyais naïvement créancier. Je ne comprenais pas qu’un garçon de bon appétit, comme j’étais, n’eût pas droit à sa part des produits sa-