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Le Persée de Benvenuto Cellini serait-il trop payé ou trop peu, si on l’échangeait contre une maison du boulevard Montmartre ?

L’échange par troc est un progrès, un premier pas hors de la vie élémentaire. Le pur sauvage, c’est l’individu qui fait tout par lui-même : sa barque, ses habits, ses chaussures, son pain, sa viande à coups de flèche, sa maison à coups de hache, sa hache à coups de marteau, son marteau Dieu sait comment, car il y a du paradoxe dans cette hypothèse, et l’on ne peut concevoir un homme suffisant à tous ses besoins sans échange.

S’adonner à la création d’un seul bien, se perfectionner autant qu’on le peut dans une industrie unique, fabriquer en abondance le produit spécial qui est ou qui devient notre fruit naturel, et troquer le trop plein de cette production contre les autres choses nécessaires à la vie, c’est n’être plus sauvage qu’à demi.

Mais le troc a des défauts qui sautent aux yeux. Il complique terriblement les transactions les plus rudimentaires. Essayez un moment de vous représenter non pas un ouvrier de luxe, un artiste, un avocat, un imprimeur, mais un cultivateur exerçant l’industrie la plus primitive. Il a du blé dix fois plus qu’il n’en peut consommer en un an, mais il lui faut de la viande, du sel, du vin, des