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rannisaient les gens de bien qui n’en avaient pas ; on voyait luire à l’horizon certaines utopies qui devaient affranchir l’homme du vil-métal, et mon cœur s’épanouissait à l’espoir d’une prospérité universelle par le papier-monnaie. Bref, j’étais aussi neuf en économie sociale que tous les bacheliers de mon temps et que la presque totalité des Français de notre temps.

Un matin, les petits hasards du voyage m’arrêtèrent dans un canton du Finistère où l’on tirait l’argent du sol. Figurez-vous un paysage affreux, une lande désolée, un coin maudit où il pleut cinq jours sur six. La mine fournissait du plomb argentifère, c’est-à-dire mêlé d’argent. Pour l’exploiter, on avait construit à grands frais des bâtiments et des machines ; deux ingénieurs, dix contre-maîtres, un peuple d’ouvriers sales et misérables vivaient dans cet enfer humide, loin de tout. Je descendis avec eux jusqu’au fond de leurs chantiers souterrains ; je les suivis, la lampe en main, dans des boyaux sinistres où la terre, mal étayée, nous coulait en boue sur la tête. Quand nous fûmes remontés à la lumière du jour, un ingénieur aimable et hospitalier nous conduisit vers les fourneaux où l’on tirait le plomb du minerai, puis au laboratoire où l’on séparait l’argent du plomb. Quelques lingots d’argent extraits de la