Page:About - ABC du travailleur, 1868.djvu/192

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ah ! le vilain argent !

— Parce que nous n’en avons pas. Mais si j’en gagne un jour par mon travail autant que je l’espère, tu seras émerveillée des services qu’il peut rendre et tu diras : le brave argent ! »

Huit ou neuf ans après cette petite aventure, j’étais sorti du collège ; j’avais lu, traduit et appris par cœur un certain nombre de tirades classiques contre ce scélérat d’argent ; je m’étais pris d’admiration, comme tant d’autres, pour les lois de Lycurgue et sa monnaie de fer ; on n’avait pas oublié de m’apprendre que la pauvreté est la source de toutes les vertus. Cependant, au lieu de bénir le sort qui me forçait de boire à cette source bénie, je m’insurgeais souvent contre la répartition inégale des richesses : je demandais par quel singulier privilège cet argent dont je n’avais miette, procurait tous les biens du monde à ses possesseurs. J’avais entendu dire (ainsi que vous, sans doute) que l’argent n’est rien par lui-même ; qu’il tire tout son prix d’une convention ; que les peuples l’ont choisi comme signe représentatif de la richesse ; que les rois lui assignent arbitrairement telle ou telle valeur. Certains journaux de 1848 avaient franchi les murs de notre lycée ; certaines diatribes nous donnaient à entendre que tous les détenteurs d’argent exploitaient ou ty-