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Une fillette de douze ans accourut au bruit, comprit à quel propos on se querellait, entra dans la chambre voisine et reparut avec un gros livre illustré, doré sur tranche.

« Monsieur, dit-elle au créancier, voici un livre que mon parrain m’a donné pour mes étrennes ; il vaut vingt francs ; prenez-le : nous ne vous devons plus rien. »

Le père fut ému jusqu’aux larmes ; le voisin se sentit attendrir : il haussa les épaules, prit son chapeau, laissa le livre et s’enfuit.

Lorsque nous fûmes seuls, l’enfant se retourna vers son père et lui dit :

« Pourquoi n’a-t-il pas accepté ? Il serait payé, maintenant.

— Non, chère petite.

— Et pourquoi ?

— C’est de l’argent que je lui ai emprunté, c’est de l’argent que je dois lui rendre.

— Mais le livre vaut vingt francs ; c’est écrit sur la couverture, et parrain a donné vingt francs pour l’avoir. Qu’est-ce que ça lui fait à ce monsieur, de recevoir vingt francs ou une chose qui les vaut ?

— Ça lui fait beaucoup, mon enfant, et la preuve c’est qu’il aurait accepté vingt francs si tu les avais tus à lui offrir, tandis qu’il a refusé ton livre.