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tuels, contemporains, simultanés pour ainsi dire : le boulanger, tandis qu’il pétrit sa pâte, a besoin qu’un vigneron lui récolte du vin, qu’un tailleur lui couse des habits, qu’une blanchisseuse lui repasse des chemises. Ces services divers s’échangent par réciprocité entre les hommes vivants. Mais la vie humaine, en pays civilisé, réclame des services d’une autre nature, dont la source remonte bien au delà de notre naissance et qu’on pourrait appeler bienfaits des morts. Si vous réfléchissez seulement deux minutes, vous penserez qu’au moment de votre naissance il y avait ici-bas des maisons construites, des meubles, des outils, des terrains défrichés, des métaux travaillés, des approvisionnements de tout genre, en un mot des richesses produites par le travail, et que les auteurs de ces biens étaient presque tous morts avant qu’il fût question de vous. On peut dire sans exagération que la plus grande partie des richesses existantes est un bienfait des morts. L’ensemble de ces biens solides compose le capital du genre humain. C’est tout ce que les hommes ont épargné depuis le commencement des siècles ; en autres termes, tout ce que l’humanité a produit sans le consommer.

Mais les bienfaits des morts appartiennent à leurs héritiers, et le prolétaire n’a hérité de personne.