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position élevée ; vous planez à deux cent mille francs de rente au-dessus de ceux qui n’ont rien. Dans quel but iriez-vous effacer vous-même la distance qui fait votre grandeur ? J’admets qu’il ne vous en coûte rien ; que vous puissiez orner l’esprit de Pierre et donner des rentes à Paul sans vous dépouiller d’un centime. Vous ne serez plus ce que vous étiez relativement à ces gaillards-là. Ils prétendront marcher de pair avec vous, vous vous serez fabriqué des égaux, et alors, qui est-ce qui cirera vos bottes ? Une société, pour être stable, repose sur l’inégalité des conditions. Il faut des pauvres, ne fût-ce que pour servir les riches, et les pauvres ne sont maniables que si leur misère est doublée d’ignorance. Quand tous les hommes sauront lire, il n’y aura plus un quart d’heure de stabilité dans les affaires de ce monde. »

Les malheureux, qui sont, hélas ! en grande majorité sur la terre, n’ont pas besoin qu’on leur apprenne à détester les millions du riche. Trop honnêtes pour forcer sa caisse, ils ressentent une sorte de chatouillement agréable à la nouvelle qu’un scélérat l’a forcée.

Ils ne mettront pas le feu à sa maison, ils iront même l’éteindre au péril de leurs jours ; mais si vous leur contez que tel hôtel est réduit en cendres, que telle cassette pleine d’or ou de diamants