Page:About - ABC du travailleur, 1868.djvu/129

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

famé ou un fou peut échanger sa montre contre un morceau de pain ; il ne s’ensuivra nullement qu’une montre et un morceau de pain soient des produits d’égale valeur. L’échange normal est celui que la concurrence a équilibré et sanctionné. Voici comme.

Nous sommes tous égoïstes, ou, pour parler plus poliment, l’instinct de conservation fait que chacun de nous se préfère à tous les autres. La tendance de l’individu, dans tout échange, est d’obtenir le plus possible en donnant le moins possible. Est-ce que je calomnie l’humanité ? Dites, consommateur honnête, si vous hésiteriez un instant entre le boulanger qui vous vendrait son pain dix centimes et celui qui vous donnerait le même poids et la même qualité pour un sou ? Dites, honnête producteur, si la pensée vous viendrait de suer à dix sous l’heure en face d’un atelier où l’on vous offrirait un franc ? Quel est l’homme assez fou pour payer cher ce qu’il peut obtenir à bon marché ? Où trouve-t-on des travailleurs assez simples pour donner la préférence au moins offrant ?

Le terrain de l’échange est une salle d’adjudication perpétuelle où l’homme, acheteur et vendeur, met son travail aux enchères et le travail des autres au rabais ; et cela sans mauvaise foi, car il