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même au Temple ; les canuts de Lyon ne drapent pas leurs femmes dans la soie. En revanche, un gros fabricant d’indiennes a son salon tendu de brocatelle ; un fabricant de quincaillerie pour l’exportation dédaigne les produits de son usine ; un marchand de faïence commune mange dans la porcelaine de Sèvres. Les produits les plus précieux affluent autour de l’homme qui crée le plus d’utilité ; les plus humbles sont le lot de l’homme qui produit le moins, quel que soit son genre d’industrie. Un tailleur de pierre n’habite pas une maison en pierre de taille : trop heureux si le plâtre et les moellons lui fournissent un abri tolérable. Quant au tailleur de diamants, il pourrait vivre mille années sans que l’idée lui vînt de porter ses produits en boutons de gilet.

Il y a dans tous ces faits une apparente contradiction, que les rhéteurs de mauvaise foi ont souvent exploitée. Lorsque les ouvriers étaient moins éclairés et moins sensés qu’aujourd’hui, on leur a dit : Il est injuste que les plus beaux habits soient portés par des gens qui ne savent pas coudre ; il est monstrueux que l’ouvrière vêtue de cotonnade taille et couse la soie pour la femme d’un banquier. On a publié des tirades sur ce pauvre tailleur de diamants qui n’a pas même un diamant à se mettre au doigt, le dimanche.