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ridicule de tout faire par nous-même, la vie ne serait qu’un long et déplorable apprentissage. Autant courir vingt lièvres à la fois.

La spécialité développe chez l’individu des aptitudes étonnantes. Le charpentier, le menuisier, le maréchal ferrant acquièrent en quelques années une sûreté de main que vous avez admirée sans doute, si vous les avez observés d’un peu près. Un habile cocher parcourant au grand trot les rues encombrées de Londres ou de Paris vous montre tout ce que l’habitude d’un travail spécial peut ajouter de précision au coup d’œil et de décision à l’esprit. Un comptable de profession joue avec les chiffres ; un vieux sous-officier instructeur jongle avec son fusil ; un bon maître d’école manie et pétrit comme une cire le cerveau rebelle de quarante bambins ; un gabier court sur les vergues au milieu de la tempête ; un couvreur, un pompier galope sur les toits ; un improvisateur de profession dicte cent vers à brûle pourpoint ou parle quatre heures de suite.

Du haut en bas de la société, vous voyez une multitude d’hommes et même de femmes qui excellent dans un art ou un métier, pour s’y être adonnés spécialement dès l’enfance. N’avez-vous jamais admiré la mémoire, la prestesse et la dextérité des garçons de restaurant ? Et ces do-