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vent sans rendre. Ce sentiment le fait croître en force et en dignité, le ressort moral s’affermit dans son âme, et l’amélioration de tout son être compense l’économie de cinq pour cent qu’il pourrait faire en acceptant l’aumône des intérêts. Il porte le front plus haut, il pense plus librement, il est plus homme.

Est-ce à dire qu’il soit dispensé de toute reconnaissance envers les généreux créanciers qui lui ont mis l’outil à la main ?

Non, car on lui a prêté, sur des garanties toutes morales, au même taux que s’il avait eu la meilleure hypothèque à offrir. Le pauvre qui n’a que ses deux bras est dans l’alternative de se voir refuser tout crédit, ou d’emprunter à un taux effrayant, car la location des capitaux coûte d’autant plus cher que le remboursement est moins assuré.

Le prêt de bienfaisance est autrement laborieux et difficile que le don gratuit ; il comporte cent fois plus de raisonnement et d’étude. Trouver l’argent n’est rien, dans un pays comme le nôtre ; mais pour le bien dispenser, il a fallu recourir à toutes les lumières et à tous les dévouements. Avant de prêter mille francs à un pauvre, il importe de jauger sa moralité, son intelligence, son aptitude aux affaires. Dans ce diagnostic, la moin-