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Il y a des villages en Italie, et même en France, où les enfants courent aux étrangers en demandant un petit sou. L’étranger donne le petit sou, et croit trancher du grand seigneur : il ne se doute pas qu’il est le corrupteur de cette jeunesse. Chez nous, l’esprit moderne est assez fort pour combattre et guérir un tel vice d’éducation ; mais je n’oublierai jamais qu’en 1858, dans la province de Loreto, les paysans quittaient leur récolte, et une récolte magnifique, pour venir nous tendre la main. J’en pris un à partie et je lui demandai comment il osait mendier sur la lisière de son propre champ ? « Eh ! monsieur, répondit-il, je n’y ai jamais manqué, dès ma plus tendre enfance, et comme on m’a toujours donné, je continue ! — Mais si tu n’as pas honte de mendier, pourquoi travailles-tu ? — Parce que l’autre métier ne produit pas assez. Croyez bien que si messieurs les voyageurs me donnaient tout ce qu’il faut pour vivre, je ne ferais pas œuvre de mes dix doigts. »

Je me souviens qu’un soir, entre cinq et six heures, dans l’avenue de Neuilly, embarrassé d’un journal que j’avais fini de lire, je l’offris à deux maçons qui sortaient du chantier. Mon raisonnement, fort logique en son sens, était celui-ci : « J’ai tiré du journal tout ce que j’en voulais ; il peut encore instruire ou renseigner plusieurs personnes ;