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plus belle la désolation de la Vierge au Calvaire que l’orgueil stoïcien d’Arria.

Aussi faux, aussi vain serait-il de se représenter nos Françaises comme préoccupées uniquement, dès lors, de la guerre, de ses misères et de ses horreurs.

Peut-on croire sérieusement à la défaite complète de l’éternel féminin ? Il n’a jamais cessé pendant les plus affreuses crises du temps passé de régner sur les âmes, et pas plus que les guerres de religion, l’invasion de 1815 ou la Terreur, la guerre présente ne fait exception. Les moralistes de bonne volonté qui se représentent les femmes, toutes les femmes, dépouillant leurs charmants défauts aussi facilement qu’elles enlèvent leur robe, ressemblent à ces pédagogues en chambre qui s’imaginent par la guerre tous les enfants mûris, assagis. Une simple promenade dans une grande ville quelconque leur donnera, s’ils veulent bien ouvrir les yeux, une notion plus juste de la réalité.

L’excentricité quasi-délirante de la mode féminine a-t-elle jamais, aux temps même de la suprématie teutonne en ce domaine, été plus grande qu’en 1915 ? La bigarrure des couleurs, le mélange des fourrures et des soies légères, la fantaisie cosmopolite des jupes de Highlanders, des bottes russes, des vareuses françaises, des calots belges font-ils une impression lugubre ? Un morne silence règne-t-il à la sortie des ateliers ? et dans les salons ou les usines bourdonnantes, ne s’échange-t-il que de graves propos ?

C’est aux premières semaines de la guerre seulement, qu’un vent d’austérité passa sur la France et que les