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Pour les littérateurs, étant donné la concurrence que leur faisaient alors les femmes, il n’est pas étonnant qu’ils fussent pour la plupart antiféministes. Tel était M. de Kératry, auteur célèbre alors, mais aujourd’hui oublié, à qui George Sand alla soumettre ses premiers projets littéraires. « Une femme, dit-il à George Sand, ne doit pas écrire ; croyez-moi, ne faites pas de livres, faites des enfants. » — « Gardez le précepte pour vous-même, » répondit spirituellement George Sand au vieillard cacochyme, son interlocuteur[1].

Charles Nodier, bien qu’il eût — peut-être parce qu’il avait — deux femmes de lettres dans sa famille, était absolument du même avis. Il développe tout au long ses idées dans un article de l’Europe littéraire de mars 1832. « L’affranchissement de la femme serait pour elle, dit-il, un désavantage ; « une femme qui voterait les lois, discuterait le budget, administrerait les deniers publics, ne pourrait être autre chose qu’un homme. » Elle perdrait

  1. George Sand, Histoire de ma vie, t. IV.